Salaud de Sharon !

 A riel Sharon est un démagogue efficace, il sait avec art s'emparer du moindre petit fait pour nourrir sa propagande, orienter une certaine lecture de la réalité. Et il sait où, quand et à qui communiquer cette vision du monde un peu particulière mais si prégnante… La dernière en date de ses opérations de propagandes à cette date (le 19/07/2004) concerne un de ses thèmes préférés, « l'antisémitisme islamo-pétaino-nazi » qui, comme chacun le sait, est le fait d'une large majorité des Français – lesquels, mais ça personne ne le savait jusqu'à ce que le premier ministre israélien nous l'apprenne, sont musulmans pour 10% d'entre eux. Ma foi, on ne peut pas dire que ce discours soit étonnant, depuis 2002, cela doit faire la troisième ou quatrième fois, voire la cinquième, on en perd le compte, qu'Ariel Sharon nous sert le même discours, accompagné de la même exhortation adressée aux Juifs de France d'émigrer en masse vers Israël. Avec jusqu'ici un effet plus que modéré, pour tout dire quasi-nul. D'ailleurs, il n'est pas certain que la très légère – et très temporaire – montée de l'émigration française vers Israël en 2002 et 2003 ait du quoi que ce soit aux discours d'Ariel Sharon. Tiens, parlant de ça, je m'interroge depuis longtemps sur ceci : les organisations sionistes les plus agitées mettent toujours en avant le nombre d'émigrants Juifs de France vers Israël, mais ne parlent en revanche jamais, ni du taux de retour, ni du taux d'immigration de Juifs israéliens en France. Pourtant, le fait que la « communauté juive » reste assez constante en effectifs donne à penser qu'il y a à-peu-près autant de Juifs qui viennent en France qu'il y en a qui la quittent. Vous ne croyez pas ?

Bon : Sharon le démagogue. Cela fait donc au moins la troisième fois qu'il nous refait le coup de la grangrène antisémite en France, lui et/ou ses proches collaborateurs. L'étrange n'est pas tant qu'il le fasse, sinon, en quoi serait-il un démagogue ? L'étrange est la variation assez importante des réactions à ce discours d'une fois à l'autre. J'ai fini par rechercher les précédents sur Internet, pour vérifier ce dont je croyais me souvenir, et qui se passa effectivement comme je m'en souvenais, c'est-à-dire que, lors de la première diatribe anti-française de Sharon début 2002 les responsables politiques ainsi que la majorité des médias tendirent à dénier le fait qu'il y ait une « montée de l'antisémitisme » en France ; qu'en revanche lors de la seconde, environ un an plus tard, tout en condamnant – assez mollement, cela dit – l'incitation à émigrer que Sharon prodiguait aux Juifs de France, en revanche médias et politiciens approuvèrent globalement son discours sur « la menace antisémite arabo-musulmane ». Et nous voilà en ce mois de juillet 2004. Et que font, médias et responsables politiques, ainsi que les « autorités representatives de la communauté juive », les responsables du CRIF notamment, lesquels approuvèrent bruyamment et sans nuances Sharon fin 2002 ? Ils crient tous au scandale, en s'appesantissant cette fois sur l'exhortation faite aux Juifs de France de quitter ce pays. D'où cette question : les réactions aux déclarations de Sharon ont-elles un rapport avec son discours ou avec la situation politique, sociale et idéologique en France à l'instant où il le prononce ? La réponse me semble assez évidente…


J'entendais aujourd'hui même quelqu'un dire sur France Culture une chose assez juste : il n'est pas très normal, parlant de ce pays dont (hélas pour lui…) Ariel Sharon est premier ministre, de le nommer « l'État juif ». Ses habitants peuvent à la limite le faire, mais en France on devrait se contenter de « l'État d'Israël » ou plus simplement « Israël ». On devrait se l'interdire pour trois raisons au moins : le nom “Juif” et son adjectif ne désignent pas une nationalité – l'appartenance à un État – mais un ensemble de personnes qui partagent une certaine religion ; le fait qu'une majorité des Israéliens est de religion juive et que les fondateurs de l'État avaient effectivement le projet de fonder un « foyer national juif » n'autorise cependant pas à poser que son « essence » serait la « judaïté » – pour exemple, la très grande majorité des Étatsuniens est de religion chrétienne et les fondateurs de cette nation avaient comme projet initial de fonder une sorte de « foyer national chrétien » or on n'en infère pas pour autant que les États-Unis sont « l'État chrétien » (quoique certains le pensent, y compris aux États-Unis, parfois « au plus haut niveau », comme on dit) – ; enfin cet usage renforce un certain antisémitisme qui ne veut pas dire son nom, et s'habille souvent du vêtement de l'antisionisme. Je ne suis pas de ces forcenés qui comme Pierre-André Taguieff ou Alain Fikielkraut, pour les plus notoires, veulent censurer toute critique de l'État d'Israël en la dénonçant comme antisémite « par essence » (pardon, comme “judéophobe”, car M. Taguieff notamment est un antisémite sélectif qui déteste les sémites non juifs et veut les séparer de ceux qui ont son agrément par ces néologismes de « judéophobie », « judéophobe »), ce qui ne signifie pas que je ne considère certains prétendus antisionistes comme étant surtout antisémites. Et en tout cas, je constate